Deuxième contact, je viens vous voler [Tessa]

Je n'avais pas ma place ici, je ne devrais même pas y être !
C'était stupide que de vouloir s'y rendre, et malgré ma couverture je me sentais épié et observé partout où j'allais. Je n'avais jamais pensé que la Cité des Illusions, comme tous ces moutons se plaisaient à l'appeler, serait un refuge pour moi. Tout ce que j'avais espéré, c'était peut-être de trouver enfin quelqu'un qui me ressemble... quelqu'un de similaire. Quelqu'un comme moi ? Mais il fallait se rendre à l'évidence, j'étais tout simplement unique.

Unique... dans d'autres conditions, ça m'aurait beaucoup plut. Mais là, ce n'était pas le cas, c'était l'enfer. J'étais un monstre aux yeux de tous, ou une simple marchandise pour les plus ignobles. Je n'avais que trop observé leurs immondes commerces d'esclaves et je me trouvais mal à la simple idée de subir le même traitement, un jour. Cette peur viscérale avait achevé de forger ma résolution, ma détermination à survivre coûte que coûte et à leur échapper. Cependant, je me mettais en danger en errant ainsi dans les rues de la Cité. Je n'errais pas sans but, je cherchais un endroit rempli de monde, un endroit où on vend des choses et où je pourrais voler sans être vu et me nourrir. Comparé à tout ce que j'avais vécu dans les forêts hostiles et cauchemardesques de ce membre, voler relevait du jeu d'enfant tellement c'était simple. Le seul bémol était que j'attirais l'attention, alors il fallait être rapide et habile. Ca tombe bien, j'étais doué pour ça.


Le brouhaha ambiant envahit mes tympans avant même que je ne débouche sur la place bondée sur marché principal. C'était animé, rempli, et ça sentait la bouffe. Je sais pas ce que j'y trouverais, mais tout était bon à becter et je ne pouvais pas me permettre de repartir le ventre vide dans les forêts... c'était du suicide. J'avais connu la faim là-bas, et c'était pire une épreuve cauchemardesque à endurer. Depuis, j'avais appris à anticiper. Bon point pour ta gueule, Merry.
Vous voulez que je vous dise ? L'avantage d'être unique, c'est qu'on est répertorié nulle part parce que personne ne vous connaît. Bien sûr, j'étais sûr que si je me faisais remarqué, il y aurait des genres de primes ou des affiches comme ça, et ma tête serait mise à prix et je serais traqué. Mais pour l'instant, qui avait connaissance de ma personne ? Qui savait que j'existais ? Il y avait bien ces rumeurs qui traînaient par ci par là, des gens qui s'affolaient et qui parlaient d'une créature mystique toute bleue et agressive... Non mais ils se sont vus ? C'est pas eux qui m'ont jetés de la caillasse comme une bête sauvage et qui ont ensuite essayés de m'enchaîner ? C'était de l'auto-défense, putain ! Il y a bien ces types à la peau verte ou ces espèces d'aubergines à grandes oreilles, pourquoi on les chasse pas, eux ?!

Ca m'a servi de leçon, mon premier contact avec la civilisation de ce bled chaotique et anarchique. Pas envie de renouveler l'expérience, mais ma curiosité et ma solitude avaient faits le reste, juste parce que j'avais besoin de m'assurer que j'étais vraiment seul. La réponse était claire : ouais, j'étais foutrement seul.


Tout ce qu'il me restait à faire, c'était de faire tête-basse et de repartir dans la forêt et fissa. Avec une simple cape en lin pour couvrir mes deux mètres cinquante, c'était flagrant, mes pieds bleus dépassaient carrément et me trahissaient et l'étoffe qui me servait de capuche laissait quand même voir un bout de ma trogne. Niveau discrétion, on pourra repasser, mais ça évitait aux gens de faire un scandale du tonnerre, au moins.
Passant incognito à côté des étales, je me servais de ma queue derrière les gens accolés aux stands pour chaparder des fruits et des morceaux de viandes salées, que je faisais passer à ma main pour grignoter sans m'arrêter de marcher. La vache, c'était bon ces cochonneries, meilleur que ces sortes de rats moisis qui venaient m'attaquer la nuit...